Encore très jeune, dans le village où je vivais, j’ai eu la chance de côtoyer parfois le grand écrivain argentin Julio Cortázar (1).
Cet homme était impressionnant par sa très grande taille autant que par sa renommée !
Pourtant parmi mes souvenirs celui qui reste le plus marquant, c’est l’extrême gentillesse dont il faisait preuve en toutes circonstances.
Plus tard j’ai pu lire certains de ses recueils et me plonger avec délices dans ses fantasmagories.
L’une de ses nouvelles, très courte, quelques pages à peine, s’appelle « Axolotl » (2).
Les axolotls sont de petits amphibiens proches des salamandres qui semblent sourire en permanence, et qui d’ailleurs font beaucoup parler d’eux ces temps-ci, de par leur faculté de régénération inouïe.
Dans l’histoire que raconte Cortázar le narrateur leur rend visite au Jardin des Plantes, tous les jours, le nez collé à la vitre de leur aquarium, jusqu’à l’obsession. Puis un jour, au cours de l’une de ses longues observations silencieuses, sans aucune transition, il voit son propre visage à l’extérieur de l’aquarium, le nez collé à la vitre, qui observe les axolotls, qui le regarde…
Récemment pendant la préparation d’une exposition j’ai été invité à une conférence où l’on parlait de cette période de sa vie où j’ai pu moi aussi rencontrer Cortázar, et cette histoire d’axolotls m’est revenue en mémoire instantanément : c’est de cela que parlait le tableau que j’étais en train de peindre ! De la perception que nous avons du réel, et de comment ses frontières peuvent devenir floues parfois, poreuses même !
Le titre « Voyage en Cronopie », est un hommage à la fantaisie créatrice de Julio Cortázar et aux personnages fantasques qu’il avait inventés : les Cronopes !
(1) Cortázar, chez Wikipédia.
(2) : « Axolotl », publié en 1963 dans le recueil de nouvelles « Les Armes Secrètes ». Éditions Gallimard.